« La hausse de consommateurs nous vient de la pandémie »Actualité du jour

Publié le 15 avril 2022 par AQIC

La pandémie dope la consommation de cannabis

Les Québécois consomment plus de cannabis depuis 2018, année où la Société québécoise du cannabis (SQDC) a été inaugurée dans la province. L’importance du marché illégal a quant à elle considérablement diminué, montre une nouvelle enquête de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Le facteur pandémie

En 2018, 14 % de la population québécoise disait avoir consommé du cannabis au cours des 12 derniers mois. En 2021, cette proportion a grimpé à 20 %. Un quart des consommateurs québécois ont pris davantage de cannabis « en raison de la pandémie de COVID-19 », selon l’ISQ. « On ne doit pas nécessairement conclure que la légalisation était une mauvaise chose, mais plutôt se rappeler que la hausse de consommateurs nous vient de la pandémie », souligne Jean-Sébastien Fallu, codirecteur du livre Cannabis et professeur agrégé à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal.

Le mode d’approvisionnement change

Les fournisseurs clandestins, qui détenaient 32 % des parts du marché du cannabis en 2018, n’en possédaient plus que 11 % en 2021. La vaste majorité (70 %) des consommateurs de marijuana s’en procurent à la SQDC, et 43 % de manière exclusive. « L’avantage ici, c’est que c’est ouvert toute la journée », indique James Gagnon, 26 ans, rencontré devant une SQDC de l’avenue du Mont-Royal, à Montréal. Il fume habituellement trois fois par jour. « Les dealers travaillaient juste le soir ou la nuit, et parfois, ils sont paresseux », ricane-t-il. « Les consommateurs quotidiens sont ceux qui ont le plus avantage à rester sur le marché illégal, soulève Jean-Sébastien Fallu. Ce sont eux qui consomment le plus, donc ils font des économies de volume. »

Meilleure acceptabilité sociale

Si 48 % de la population québécoise jugeait « socialement acceptable de consommer occasionnellement du cannabis à des fins non médicales » en 2018, ce chiffre s’élève à 63 % en 2021. M. Fallu se réjouit d’assister à cette hausse. « L’un des aspects extrêmement néfastes de la prohibition, c’est qu’elle crée d’autres problèmes. Ça, c’est beaucoup plus toxique que le cannabis lui-même. Cette statistique me dit que la stigmatisation baisse, et c’est un enjeu majeur de santé publique. » Nina Lisochub, qui n’a encore jamais expérimenté le cannabis, juge aussi cette évolution positive. « Moi, je viens pour voir ce qu’il y a », explique la jeune femme, aussi croisée devant la SQDC. « Je suis curieuse, je pense acheter quelque chose de très léger. C’est chouette qu’il y ait un magasin officiel pour le faire. »

Les 15-17 ans, une exception

Fait notable, les 15-17 ans composent la seule tranche d’âge dont la consommation a diminué entre 2018 et 2021. « C’était l’un des objectifs de la légalisation fédérale, rappelle Jean-Sébastien Fallu. La Loi sur le cannabis vise à le rendre moins accessible aux jeunes. » Parmi toutes les tranches d’âge, ce sont les 21-24 ans qui sont les plus représentés, avec 43 % de consommateurs.

Âge minimal de 21 ans, une « énorme aberration » 

Au Québec, il faut être âgé de 21 ans ou plus si l’on souhaite acheter du cannabis légalement. « Pour moi, c’est une énorme aberration, dénonce le professeur Jean-Sébastien Fallu. Le Québec est le seul endroit dans le monde où le cannabis est légal, mais où l’âge pour s’en procurer n’est pas le même que pour l’alcool. Ça ne tient pas la route. » Les 18-20 ans, qui peuvent acheter de l’alcool, mais pas du cannabis, étaient 35 % à consommer cette drogue en 2021. « La CAQ tient mordicus à l’âge légal de 21 ans pour réduire les effets négatifs, alors que ça fait exactement le contraire, poursuit-il. Ils ne prennent pas en considération que les jeunes ne connaissent pas les taux de THC de ce qu’ils achètent dans la rue, et ils ignorent les possibles arrestations. C’est frappant, qu’on dise à plus d’un jeune sur trois d’aller sur le marché illégal. »

Moins nuisible que l’alcool

Albion Mindwarp, 62 ans, fume du cannabis tous les jours depuis 1971. Il a aussi été alcoolique pendant une quarantaine d’années. « L’alcool, ça me tuait, a-t-il avoué en anglais. Mais ça fait six ans que je n’ai pas bu. La marijuana, c’est beaucoup mieux. » Se fiant à l’avis de plusieurs experts, Jean-Sébastien Fallu soutient cette ligne de pensée. « Consommation problématique, dommages physiques, violence, risques de dépendance. Dommages sociaux, risques d’accident, troubles de santé mentale. Les idées reçues ne sont pas du tout en phase avec ça, mais en termes de dommages, l’alcool supplante le cannabis à tous les niveaux. »

SOURCE: La Presse