L'engouement autour des possibles bienfaits pour la santé du cannabidiol (CBD) ne se dément pas. Une consultation nationale menée par Santé Canada en 2019 révélait que 93 % des répondants s’intéressaient aux produits de santé contenant du cannabis. Ils estimaient entre autres que le CBD constituait un remède naturel moins risqué que les produits pharmaceutiques.
Pourtant, les scientifiques savent peu de choses sur le CBD. « On manque d’informations à communiquer à la population parce qu’il y a encore beaucoup de recherche à faire pour mieux comprendre ses effets », confirme le Dr Didier Jutras-Aswad, chef du Département de psychiatrie du CHUM et chercheur clinicien. Beaucoup de désinformation circule même sur le CBD, remarquait Santé Canada en 2022 dans son rapport sur cette substance.
Le cannabis contient plus d’une centaine de substances qui peuvent activer certains récepteurs dans notre corps et provoquer différents effets. Le CBD est l’un de ces ingrédients actifs, tout comme le THC.
Alors que le THC cible principalement les récepteurs cannabinoïdes situés dans le cerveau, le CBD agit par une grande diversité de mécanismes et ceux-ci semblent beaucoup plus complexes. « Les effets du CBD sur la santé, le fonctionnement du corps et le comportement sont donc différents de ceux du THC », observe le Dr Jutras-Aswad.
Par exemple, le THC serait le grand responsable de l’euphorie associée au cannabis. Le CBD, au contraire, ne cause pas de buzz. « On a longtemps pensé que le CBD n’avait aucun effet psychoactif et pas vraiment d’effets comportementaux, explique le Dr Jutras-Aswad. Cependant, des données préliminaires portent à croire qu’à certains dosages, le CBD peut provoquer de la somnolence et pourrait avoir des effets positifs sur l’anxiété. »
Les gens qui consomment des produits contenant du CBD notent un éventail très large d’effets positifs, constate le Dr Jutras-Aswad. « Ils disent que c’est relaxant, que ça leur apporte un sentiment de bien-être et que ça les aide à dormir », énumère-t-il. Selon un document publié en 2022 par l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, le CBD pourrait aussi avoir des effets analgésiques.
L’efficacité du CBD pour traiter des problèmes de santé n’est toutefois pas très bien démontrée sur le plan scientifique. En fait, on dispose de peu d’essais cliniques de qualité où les résultats ont été reproduits à plusieurs reprises dans des groupes de patients différents.
À ce jour, l’efficacité du CBD a été confirmée seulement pour l’épilepsie. « Les données indiquent de façon assez solide que le CBD a un effet positif sur les crises convulsives », remarque le Dr Jutras-Aswad. Il réduirait leur fréquence, selon une méta-analyse publiée dans le New England Journal of Medicine. Santé Canada a d’ailleurs approuvé en novembre dernier Epidiolex®, une solution orale de CBD pour le traitement des crises associées à trois formes rares d’épilepsie.
Ces études sur l’épilepsie utilisent toutefois des doses très élevées pouvant aller jusqu’à 1 000 mg de CBD. « Ce sont des doses qu’on atteint uniquement avec des produits de type pharmaceutique, souligne le médecin. Cela n’a rien à voir avec les produits vendus à la SQDC. » Ces derniers sont la plupart du temps de 30 à 100 fois moins concentrés.
Selon Santé Canada, des données préliminaires montreraient que le CBD serait efficace pour le traitement à court terme des symptômes légers de stress et de nervosité. Il n’y a pas de consensus au sujet de la dose nécessaire (variable selon les produits et les individus), mais elle semble plus faible, moins de 20 mg pouvant suffire dans certains cas.
« Nous disposons également de certaines études sur le traitement de la dépendance au cannabis, mais le niveau de preuve n’est pas encore suffisant pour utiliser couramment cette intervention », remarque le Dr Jutras-Aswad. Par ailleurs, Santé Canada considère qu’il n’y a pas assez de données pour tirer des conclusions à propos des effets bénéfiques du CBD sur le sommeil ou les douleurs légères.
Il est difficile de déterminer l’efficacité du CBD parce qu’il est offert sous plusieurs formes et que chacune d’entre elles a ses particularités. La plupart des études ont été menées avec de l’huile très concentrée prise par voie orale, sous forme de capsules ou de gouttes. « La voie orale nous permet de contrôler la dose administrée de façon plus précise, note le Dr Jutras-Aswad. Si des aliments sont ingérés en même temps, cela peut toutefois influencer la quantité de CBD qui est réellement absorbée par le corps. » Un repas gras par exemple augmente son absorption.
Le CBD peut également être inhalé, mais en raison des produits chimiques associés au tabagisme et des risques possibles du vapotage, Santé Canada ne recommande pas de consommer du CBD par inhalation.
À la SQDC, on trouve aussi du CBD sous forme d’aliments, d’huile, de capsules, d’atomiseur oral, d’infusion ou de boisson. Certains produits contiennent également un mélange de THC et de CBD. « Si une personne veut expérimenter des produits à base de cannabis pour explorer ou se relaxer, mais sans traiter des symptômes précis, elle devrait utiliser un produit à faible concentration en THC », conseille le Dr Jutras-Aswad. La société d’État a le mandat de vendre du cannabis seulement à des fins non thérapeutiques.
« Si quelqu’un a un problème médical, il devrait plutôt consulter un professionnel de la santé pour déterminer si le CBD fait partie des options thérapeutiques », ajoute le médecin. Si le médecin juge qu’un produit contenant du CBD serait approprié, cette personne pourra se le procurer en pharmacie avec une prescription.
« Le CBD est plus sécuritaire que le THC, note le Dr Jutras-Aswad. Il s’agit d’une substance assez bien tolérée avec relativement peu d’effets secondaires. » Selon Santé Canada, certains utilisateurs ont quand même déclaré avoir connu des effets comme une pensée confuse, des nausées, une perte d’appétit, une sécheresse de la bouche et des yeux et un manque d’énergie, avec moins de 200 mg par jour. « À forte dose, on voit parfois de la somnolence et des effets hépatiques », ajoute le médecin. Par ailleurs, le CBD pourrait aussi interagir avec d’autres médicaments.
Santé Canada estime que le CBD est sécuritaire et tolérable pour une utilisation de moins de 30 jours chez les adultes en santé. « Dans beaucoup d’études, le CBD a été administré pendant quelques semaines ou quelques mois seulement, explique le Dr Jutras-Aswad. On en sait donc très peu sur son utilisation à long terme. »
De plus, les troubles graves comme l’anxiété sévère, la douleur sévère et l’insomnie chronique nécessitent un suivi médical. « Quelqu’un qui a un problème médical ne devrait vraiment pas solliciter des conseils à la SQDC, confirme le Dr Jutras-Aswad. Il devrait plutôt consulter un professionnel de la santé. »
Le CBD ne semble pas créer de dépendance. « Un certain nombre d’études ont été faites à ce sujet et le niveau d’inquiétude est faible », note le médecin.
Source : Utile ou pas, le CBD ? : https://lactualite.com/sante-et-science/si-les-humains-disparaissaient-que-deviendraient-les-chiens/
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