• On the American West Coast, cannabis replaces wine
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Sur la côte ouest américaine, quand le cannabis remplace le vinInternational

Publié le 2 février 2024

« Je crois que les clients boivent moins à cause de cela… Soit, ils arrivent après en avoir consommé, et commandent moins de vin, soit ils vont fumer et ne boivent plus après, soit ils sortent moins… ». Mon collègue, gérant d’un restaurant à vin très connu de New York, est on ne peut plus sérieux alors que nous discutons du ralentissement du business.

Euphorie post-Covid-19 retombée, inflation rampante, tensions économiques et politiques mondiales pesant sur la vie locale et le tourisme, offre vin pléthorique et chère, clientèle demandent davantage de sans-alcool… Toutes ces raisons structurelles et conjoncturelles sont pertinentes, mais il faut peut-être en rajouter une autre pour la métropole : la légalisation de la vente du cannabis en 2021.

Pour se relaxer et se désinhiber, le cannabis est préféré au vin

Personne ne peut l’ignorer tant l’atmosphère en est imbibée. La question de cette corrélation n’est pas nouvelle. Les chercheurs et journalistes s’y intéressent depuis 2016 et le Cannabis Act californien légalisant le cannabis récréationnel. De l’impact de la marijuana sur le goût du vin ou des vins infusés au THC, les travaux se sont tournés vers les consommateurs, dont Gen Z qui arrivait en âge légal d’accès aux deux. Les tendances se sont accélérées depuis : pour se relaxer et se désinhiber, le cannabis est préféré au vin (et l’alcool) vu comme moins bon pour la santé (alors que le cannabis est marketé pour un usage thérapeutique), plus cher et moins en phase avec leurs valeurs sociétales.

Le choix de cette classe d’âge influe-t-il les autres ? En 2023, seuls les plus de 60 ans en boivent plus, alors que la consommation de cannabis augmente chez tous. Or, comme l’offre devient surabondante, certains producteurs jouent des codes du vin pour en attirer la clientèle, notamment le type de plant et le lien de terroir, ce qui n’est pas sans créer d’autres tensions entre les productions. Car parmi les plus gros producteurs américains se trouvent des régions viticoles : l’Oregon et la Californie. Là, la compétition entre ces marchés de plusieurs milliards de dollars se joue à deux autres niveaux : le marketing et le futur agricole.

Il y a l’image de marque d’abord. « You have to protect the Napa brand », déclarait en 2020 Ryan Klobas, CEO of the Napa County Farm Bureau, refusant la culture dans la vallée. Menace pour lui et bien d’autres, mais opportunité et valeur ajoutée pour certains. L’économie de la région est dépendante de sa viticulture. Le cannabis permettrait de se diversifier pour pallier la baisse de la consommation de vin : c’est la seule production agricole autre que la vigne capable d’amortir foncier et investissements, et qui plus est avec une régulation de culture plus laxe, montrant ainsi que les vraies tensions sont ailleurs.

Dans un pays où la culture vigneronne n’est pas ancrée, et dont le fonctionnement repose surtout sur une structure “grower/maker” (producteur de raisin/de vin), c’est la logique de marché qui l’emporte : la répartition des terres, l’accès à l’eau, aux ressources, à la main-d’œuvre, ira à ce qui rapporte le plus à moindres frais et contrainte légale, sauf si l’on se trouve dans un lieu de branding fort, telle Napa, pouvant hyper valoriser les deux types de production. Or la bataille est réelle à Rogue Valley, Sonoma ou Santa Barbara.

On comprend la tentation alors que faire du vin devient plus risqué et onéreux. Mais n’en sera-t-il pas de même pour le cannabis à moins de réguler davantage sa culture exigeante en ressources humaines et environnementales ? Alors que les prévisions s’enflamment pour ce nouvel eldorado, que les premiers signes de ralentissement apparaissent, mais que le désir de s’échapper d’une certaine réalité semble plus fort que jamais, ne faut-il pas se poser la question des excès productivistes et consuméristes d’un côté, du mal-être existentiel de l’autre, et se demander comment réenchanter ce monde avec moins de démesures et un rapport raisonné aux ivresses ?

 

Source : Sur la côte ouest américaine, quand le cannabis remplace le vin : https://www.larvf.com/sur-la-cote-ouest-americaine-quand-le-cannabis-remplace-le-vin,4845111.asp